Jacques Calonne (1930-2022)

Calonne !  Jacques Calonne ! C’est un nom aux couleurs chaudes et pleines, à prononcer à voix haute, si possible en frappant le bois poli du piano avec le cul de la bouteille. C’est un nom à faire claquer comme une timbale dans l’air bleu et glacé, car les occasions sont rares de faire trembler les vitres embuées de notre temps.

Jacques Calonne fut un homme-orchestre. C’est peu dire que son œuvre une caisse de résonance : celle d’une époque où quelques irréguliers du verbe et du signe peints décidèrent de mêler joyeusement leurs travaux et leurs vies. A Copenhague, Bruxelles, Amsterdam ou Silkeborg, ils retrouvèrent les neiges d’antan – et soudain l’enfance ne fut plus bêtement éternelle : elle fut inflammable.

A force d’épier la danse des sons dans l’air, Jacques Calonne a su dévergonder la musique – cette grande bourgeoise. Arrachant les notes aux partitions où elles s’ennuyaient avec distinction, ce peintre à la baguette leste a composé une œuvre musicale et picturale en trempant ses mains dans la vie jaillissante, à l’état brut – cette matière grouillante, dense, silencieuse et noire comme de l’encre. Et voici que résonne contre la paroi d’une feuille blanche l’écho de vieilles gouttes de son gelées au fond de l’être qui explosent en couleurs, en fluides, en arabesques déliées, en mouvements désordonnés et aléatoires, mais non sans harmonie – compositeur oblige.

Jacques Calonne fut un homme qui, à l’image de la vie, n’a pas eu peur de faire des taches. Essuyez vos larmes avant d’entrer, venez vous rincer l’œil ou le tympan, au choix, et vous verrez : après, le signe et le son, tout comme l’espace où ils se démènent, ne sont plus ce qu’ils étaient. C’est d’ailleurs tout le mal qu’on leur souhaite.

François de Coninck

Les éditions de Jacques Calonne (1930-2022)