La nature, quand il lui plaît, envoie aux petits sujets qui la sillonnent quelques furtives attestations de leurs existences. On y compte leurs reflets sur l’eau ou l’écho de leur voix contre les parois rocheuses. Peut-être même, si l’on tient le hasard pour la matrice de toute chose, faut-il y compter la fonte ouvragée du réverbère qu’ils heurtent brutalement en rentrant chez eux. Mais il est plus rare que la nature, toujours pleine d’une incompréhensible mission, se fende d’un portrait spontané, offert au promeneur et si frappant de vérité. Un torrentueux roulis de bois mort fut arrangé sur mon chemin, il y a quelques années, pour que j’y voie ce qu’il fallait y voir : mon esprit, hirsute, mon esprit lui-même, ainsi reproduit par une nuit de tempête.
Alain Rivière